Search : l’écosystème sur le point de s’effondrer ? GPT-4o, Gemini Live ou encore AI Overviews... les nouveaux produits gonflés à l'IA de Google et OpenAI ont enflammé le petit monde de la tech cette semaine. Mais derrière le buzz planétaire se cache une vérité un brin flippante pour les annonceurs comme pour les éditeurs : oui, l'intégration galopante de l'intelligence artificielle dans les moteurs de recherche devrait changer les règles du « search game » en profondeur. Jusqu'à quel point ?
« L'ère de l'IA façon "Her" est arrivée ». La référence au film de Spike Jonze dans le titre de cet article du New York Times est loin d'être innocente. Dans Her (sorti en 2013, déjà), Joaquin Phoenix tombe amoureux de Samantha, une IA douée de parole – avec la voix de Scarlett Johansson, ça aide –, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur et de « simuler » des sentiments. Soit, peu ou prou, ce qu' OpenAI a présenté lundi dernier en dévoilant son nouveau modèle baptisé GPT-4o, lors d'une conférence bien cosy où les équipes de Sam Altman se sont amusées à lui demander tout un tas de trucs absurdes, comme chanter Happy Birthday ou raconter une histoire d'amour entre deux robots pour s'endormir... Ce que l'IA s'est empressée de faire, non sans humour et en modulant sa voix au gré de leurs envies. Une démonstration de force – complétée par d'autres vidéos tout aussi bluffantes – qu'Altman lui-même a résumé quelques heures plus tard sur X en un mot : « Her ». Multimodale et omnisciente Le lendemain, lors du Google I/O, sa grand-messe annuelle organisée dans son fief de Mountain View, c'était au tour de Google de dégainer son nouvel assistant vocal animé par l'IA : Gemini Live. Là aussi, l'IA peut voir, entendre, parler, chanter, vanner... Commercialisé dès cet été sur abonnement, Gemini Live présente les mêmes fonctionnalités que GPT-4o et Google voit déjà plus loin en intégrant son IA multimodale (à même de comprendre et générer simultanément du texte, des images et du son) à des lunettes capables d'analyser l'environnement autour de vous et de vous guider à travers la jungle urbaine. Un prototype, le « Project Astra », a même été présenté sur scène par Demis Hassabis, fondateur et CEO de Google DeepMind. Bref. Ici aussi, le mot d'ordre est simple : l'humain demande (sans trop réfléchir), l'IA fait le reste... Un leitmotiv que les deux géants souhaitent, dans un futur proche, transposer à la recherche en ligne. Si, comme l'affirme le média The Verge, OpenAI s'est lancé dans la course au search en débauchant l'ancien vice-président de Google Search, Shivakumar Venkataraman, pour chapeauter son projet de moteur de recherche jumelé à ChatGPT, son rival a déjà pris une belle longueur d'avance en présentant mardi ses « AI Overviews ». Accessibles à tous les utilisateurs américains et « à environ un milliard de personnes dans le monde d'ici la fin de l'année » selon Liz Reid, actuelle VP de Google Search, cette nouvelle fonctionnalité répond aux requêtes des utilisateurs en présentant un texte rédigé par Gemini et accompagné d'une liste classique de liens sur le sujet, dont certains sont sponsorisés. Le plus gros changement apporté à son moteur de recherche depuis des lustres, et qui fait craindre le pire aux médias comme aux annonceurs... « Les éditeurs ont raison d'être effrayés, prévient cet article du New York Times. Si les réponses générées par l'IA font suffisamment bien le job, les utilisateurs n'auront plus besoin de cliquer sur les liens. Tout ce qu'ils cherchent sera là, bien en vue, positionné comme le premier résultat de leur recherche. Et le grand contrat sur lequel repose toute la relation entre Google et l'open web – vous nous donnez des articles, nous vous donnons du trafic – pourrait s'effondrer. » « Certaines personnes vont se faire matraquer... » Certes, dans un blogpost publié quelques heures après le Google I/O, Liz Reid a tenté de rassurer tout le monde : « Nous poursuivons nos efforts pour assurer un trafic important aux éditeurs et aux créateurs. » Tout en précisant que « les liens inclus dans AI Overviews sont davantage cliqués que s'ils étaient présentés dans une liste traditionnelle pour la même requête ». Ouf ! Mais sans donner de chiffres précis. Ah mince ! Ce qui laisse à penser que, dans un souci de poursuivre sa course à l'IA tous azimuts tout en préservant ses précieuses search ads, le cœur de son business qui a généré plus de 175 milliards de revenus l'année dernière, Google joue un peu aux apprentis sorciers, sans trop de garanties à long terme. « Les techniques de référencement sur le moteur de recherche vont devoir être repensées pour apparaître dans les réponses de l'IA, alors qu'on sait qu'actuellement 50 à 60% des clics se font sur les trois premiers sites proposés par Google », situe Nicolas Gaudemet, expert IA pour le cabinet de conseil Onepoint, dans Les Échos. Les analystes du groupe Gartner prévoient, eux, une chute de 25% du trafic web depuis les moteurs de recherche d'ici 2026. Et Michael Sanchez, CEO de Raptive – une société américaine spécialisée dans l'accompagnement des créateurs de contenus –, parle d'une perte d'environ deux milliards de dollars pour les créateurs dans ce papier du Washington Post, avec des sites qui verront s'évaporer les deux tiers de leur trafic. « Certaines personnes vont se faire matraquer, assène-t-il. Ces changements pourraient causer d'énormes dégâts à l'internet tel que nous le connaissons. Ce qui n'était déjà pas un terrain très équitable pourrait arriver à un point où toute la survie du web serait menacée à long terme. » Même son de cloche de ce côté-ci de l'Atlantique. « Il y aura davantage de requêtes qui ne généreront pas de clics, prédit Lionel Cherpin, président de l'agence marketing Empirik, dans Les Échos. De toute façon, Google a besoin de sites web car s'il n'y a plus de sites web, il n'y a plus d'IA. » | | UN PAVÉ DANS LA JUNGLE | La décision a fait couler beaucoup d'encre. Mardi dernier, le premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé une série de mesures visant à endiguer la vague de violence qui fait rage actuellement en Nouvelle-Calédonie, dont le blocage pur et simple de TikTok sur tout le territoire calédonien, effectif depuis mercredi. Une décision inédite – en lien avec l'état d'urgence déclaré ce mercredi –, motivée par la circulation de nombreux appels à la violence contre l'État, les forces de l'ordre et tout opposant à l'indépendance. « Il est regrettable qu'une décision administrative de suspension du service de TikTok ait été prise sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, sans aucune demande ou question, ni sollicitation de retrait de contenu, de la part des autorités locales ou du gouvernement français », a indiqué un porte-parole de TikTok France au micro de France Inter. Pourquoi c'est un pavé ? En creux, se pose la question du caractère légal d'une telle mesure, rendue possible « par la proclamation de l'état d'urgence et la présence d'un unique opérateur télécoms sur le territoire », précise Le Figaro. Mobilis, en l'occurrence, distribué en Nouvelle-Calédonie par l'Office des postes et télécommunications. C'est d'ailleurs cet établissement public – l'équivalent de La Poste en métropole – qui met en application l'interdiction du réseau social dans l'archipel. « Il peut y avoir des contenus problématiques et pénalement répréhensibles, mais ils ne justifient pas pour autant qu'on puisse bloquer un moyen de communication sans passer par un juge », estime Alexandre Archambault, avocat spécialiste du numérique, pour TF1info. À l'échelon européen, la décision aurait d'ailleurs été impossible à prendre sans passer par la case magistrat. « L'Outre-mer non départementalisé a un statut un peu particulier, poursuit Maître Archambaud. Pour faire simple, c'est la France, mais ce n'est pas l'Europe. Il y a un droit local sur lequel le gouvernement joue politiquement. » D'autant que l'article 11 de la loi de 1955 relative à l'état d'urgence a été modifié par un amendement voté au lendemain des attentats de novembre 2015 et qui stipule que « le ministre de l'Intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l'interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ». Concrètement, c'est donc la première application de cette mesure par l'État français. « Pour avoir une telle mesure générale de blocage d'un service de communication, qui est une mesure exceptionnelle et qui doit être nécessairement proportionnée dans le temps, il faut vraiment justifier d'une particulière nécessité, détaille à l'AFP Amélie Tripet, avocate spécialisée en droit des médias au cabinet August Debouzy. Si jamais cela est contesté devant le juge, il y aurait trois questions : est-ce que c'est prévu par la loi ? Est-ce que c'était nécessaire ? Est-ce que c'était proportionné ? C'est une décision potentiellement fragile juridiquement. » L'association La Quadrature du Net, la Ligue des droits de l'homme ainsi qu'un collectif rassemblant des Néo-Calédoniens ont déjà déposé trois référés contre la décision. | UN FORMAT À LA LOUPE | | | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | Une fois n'est pas coutume, ce n'est pas un contenu qu'on aurait adoré faire, mais un événement... Le 25 janvier dernier, la streameuse LittleBigWhale organisait Broadwhale, un concert-karaoké à La Bellevilloise, haut lieu de la scène indé parisienne. Ça date, nous direz-vous. Sauf que la vidéo de l'intégralité du show vient seulement d'être postée sur YouTube, la semaine dernière. Mention spéciale pour la flûte traversière sur Il jouait du piano debout... À l'image de ZeratoR, capable de passer du gaming à Don't stop me now de Queen, ou à cette déjà culte reprise des Spice girls, les streamers sont devenus de véritables entertainers tout-terrain, qui cumulent les vues et remplissent les salles. Prochain pari de la « Twitch sphère » française ? RebeuDeter, qui devrait parvenir à vendre les 35 000 places de la Paris La Défense Arena le 7 décembre prochain, en organisant un gala de boxe entre créateurs de contenu. | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | Lancée ce mercredi 15 mai pour remplacer feu 6play, la plateforme M6+ a mis en ligne son premier long métrage documentaire. Réalisé par Victoria Garmier, lauréate du prix de la Jeune Création 6play en partenariat avec Konbini, Balance tes réseaux : enquête sur le sexisme en ligne alterne les témoignages de trois victimes de cyberharcèlement sexiste et sexuel. Le pitch ? « Menaces de viol, de meurtre, montages pornographiques, intimidation et harcèlement, voici le quotidien de femmes telles que Mira, créatrice de contenus, Raphaëlle, femme politique, et Fanny, simple utilisatrice des réseaux sociaux. Depuis #MeToo, le sexisme n'a pas diminué sur Internet et un mouvement prônant la haine des femmes s'est même développé : le masculinisme ». Ambiance. |
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