L’été dernier, nous avions raconté l’arrivée d’une série d’entreprises françaises à Genève. Des acteurs de la blockchain qui profitaient d’un cadre réglementaire attractif, de l’accès facilité aux investisseurs, de collaborateurs qualifiés ou encore d’un meilleur dialogue politique qu’à Paris, écrivait ma collègue Sophie Marenne. Ces atouts n’ont visiblement pas suffi à retenir SGS. Le leader mondial de la surveillance et de la certification a prévu de quitter la Cité de Calvin où il s’était établi en 1915, fuyant Rouen et la France en guerre. La décision, révélée lundi par la RTS et Le Temps, a fait l’effet d’une bombe. Peu connu du grand public, le groupe genevois déménagera dans le canton de Zoug si l’assemblée générale du 26 mars l’accepte, ce qui ne fait pour l’instant guère de doute. Mon collègue Christian Affolter a énuméré la liste des raisons de s’expatrier. Espérons que cela ne donne pas d’idée à trop d’entreprises. Après avoir fui l’enfer français, ceux arrivés à Genève découvrent, au bout d’un moment, que la ville du bout du lac n’a rien d’un paradis, qui se trouve en réalité à Zoug. Certains ont déclaré que le départ était dû à la nouvelle directrice générale, Géraldine Picaud. En poste depuis un an, cette Française, ancienne CFO de Holcim, est elle-même domiciliée dans ce canton connu pour son attractivité fiscale. Erreur, révélait mon collègue Christian. Le projet de déménagement mûrit depuis déjà trois ans… A l’époque, Frankie Ng dirigeait SGS. Ce diplômé de l’Université d’ingénierie de Genève entretenait de forts liens avec la cité. Cela ne l’a pas empêché d’envisager une telle décision. Rappelons que SGS n’a pour l’instant pas officiellement communiqué à l’externe, mais que sa décision a été confirmée par la ministre genevoise de l’Economie, hélas résigné. Les employés du siège ont aussi été avertis. La perte sera grande, mais au moins le groupe au demi-milliard de de francs de bénéfice net en 2023 reste en Suisse. Et maintenant? Les défis restent grands. Son rapprochement avec le français Bureau Veritas vient d’échouer. Le cours de Bourse est à la traîne. Nous verrons si sa direction s’exprimera davantage la semaine prochaine (à lire en bas de cette infolettre). S’il y en a un qui parle, c’est bien Donald Trump. Depuis son retour à la Maison-Blanche, le monde entier vit au rythme de ses décrets présidentiels, de ses annonces fracassantes… et de ses reculades soudaines. On l’a vu avec les droits de douane imposés, puis suspendus, sur les produits canadiens et mexicains. Formidable talent de négociateur, entend-on. Un chaos qui se retournera contre les consommateurs américains (et d’ailleurs), avancent d’autres. L’Europe devrait être la prochaine cible du républicain (peut-être l’est-elle déjà à l’heure où vous lisez ma prose, tant les choses vont vite). En Suisse, on espère passer entre les gouttes. Un bon argument serait que le commerce extérieur avec les Etats-Unis est pratiquement à l’équilibre, si l’on tient compte des échanges de services. Nous avons fait le calcul: les chiffres sont limpides. Mais Donald Trump verra-t-il la question de cette manière? Peut-être cherche-t-il à rapatrier une activité phare pour le moment établie en Suisse? Pensez au négoce de matières premières ou au raffinage de l’or, deux domaines dans lesquels les acteurs suisses détiennent une place de choix… Une attaque de Washington aurait d’autres conséquences. Elle pourrait pousser la Suisse dans les bras de l’Union européenne qui, soudainement et malgré sa complexité réglementaire, paraîtrait comme le seul partenaire stable et digne de confiance. Terminons par deux autres sujets. Je vous encourage à lire l’article de Jonas Follonier consacré à l’arrivée la semaine prochaine à HEC Lausanne de Timothée Parrique. Ce chantre de la décroissance et du post-capitalisme a de quoi faire plus que tousser une bonne partie des professeurs actifs au sein de ce centre qui forme d’ordinaire les meilleurs économistes de Suisse romande. Ces derniers reprochent au chercheur français (qui n’a pas voulu nous répondre) son manque de rigueur académique dans le traitement des sujets hautement importants comme le réchauffement climatique. Ils critiquent aussi le militantisme de l’Unil qui nuit à son excellence (elle a chuté de près de 100 places dans le classement QS). Mais nous avons également trouvé des personnes qui défendent le recrutement de l’universitaire formé en France et en Suède. Les débats promettent d’être vifs au sein de l’alma mater. Enfin, parmi les résultats bancaires de la semaine, retenons ceux d’UBS. Les solides résultats de la banque aux trois clés n’ont toutefois pas suffi à maintenir la dynamique haussière du cours de l’action. Les opérateurs attendent probablement de savoir quelles nouvelles contraintes la Confédération décidera d’imposer à l’établissement dirigé par Sergio Ermotti. Question cruciale pour le futur de la banque, à laquelle la réponse ne tombera probablement pas avant ce printemps. |