La première fois que je suis venue à Longueur d’ondes, c’était la troisième édition. C’était déjà à Brest, déjà en février, dans ce combo unique de froid, de vent et de pluie horizontale qui fait le sel du festival. Le sous-texte étant : "galvanisés par la radio, même l’apocalypse n’a pas de prise sur nous". Cette année-là, ils avaient imaginé un projet foufou, une nuit radiophonique embarquée dans un bus. On aurait pu profiter de la lumière de ce port pour faire ça en bateau. Mais non, la Bretagne c’est rugueux et paradoxal. Ce sont les algues vertes et le granit, donc allons-y pour le bus en pleine nuit, ils vont adorer, le bruit du moteur ne sera pas gênant.
Je me souviens bien de la buée et des gouttes qui s’écrasaient sur les vitres en faisant des lignes tremblotantes, presque vivantes, j’étais assise à côté d’Emmanuel Laurentin et on avait trouvé ça super bien…
Résultat, depuis 20 ans, Brest est devenu l’endroit où se croisent, sans trop se taper dessus, toutes les branches de la petite famille dysfonctionnelle du son. Premier embranchement : public/privé, chacun a choisi son camp. Ensuite, il y a la famille de la création sonore, qui ne fait pas de reportage, ni de podcast, encore moins de journalisme, elle sculpte le son et voue un culte à Yann Paranthoën, le saint patron de la cellule 208. Il y a aussi la famille FM, pour eux la radio c’est la voix, le direct, l’interview. Ils créent des atmosphères et installent des climats avec leur organe. Comme les endives, ils s’épanouissent dans l’obscurité des studios, leurs derniers mots seront pour leur micro et leurs totems sont Jacques Chancel et Macha Béranger. S’ajoute à ça, la famille podcast, les petits derniers, ceux qui sont arrivés en retard, mais qui prennent toute la place. Alors ça fait râler les autres parce qu’ils piquent dans tous les plats : documentaires, création sonore, reportage, interviews… Et en plus, ni grilles, ni formats, leur guide est un punk et c’est Silvain Gire. Et puis il y a la fiction, eux pendant longtemps c’étaient les cousins ringards qu’on cache un peu, ils faisaient des dramatiques (je crois que tout est dit). Et là, on ne sait pas comment c’est arrivé, mais ils ont la hype de fou, tout le monde veut être avec eux sur la photo. Leur mot de passe c’est "Signé Furax".
Bon, heureusement, sur place, la bière bio, les corps qui dansent et le crabe dont on fracasse la carapace à grands coups de marteau permettent d’évacuer les tensions et de souder tout ce petit monde qui finit toujours par citer Orson Welles "à la radio l’écran est plus grand gnagnagna" mais sinon ça va, on est sympa.
Bref, cette année, le festival "Longueur d’ondes" a 20 ans, grâce à Anne-Claire Lainé et Laurent Le Gall et ils avaient fait les choses en grand, une programmation de dingue.