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Vendredi 26 juillet 2024

Pour le « Nouvel Obs », Michelle Perrot a accepté de raconter ses souvenirs de l’été 1944. Elle nous a reçus chez elle, dans son appartement du Quartier latin à la décoration chaleureuse et soignée, tout proche du jardin du Luxembourg. Nous étions au lendemain des élections européennes et tout laissait craindre, quatre-vingts ans après la Libération dont on célébrait l’anniversaire, un retour de l’extrême droite, cette fois, fait inédit et terrifiant, par la voie des urnes. Etait-ce bien là, dans cette heure grave où le sentiment d’urgence démocratique nous agitait, le moment de replonger dans ses souvenirs personnels, se demandait cette intellectuelle rigoureuse et engagée ?

Vive et précise, autour d’une tasse de thé, elle s’est remémoré les images et les moments forts qui lui restaient de l’époque du débarquement des Alliés, ainsi que des années de guerre, qui furent aussi ceux de son adolescence, cette étape souvent difficile. L’entendre évoquer cette période de folle allégresse, de liesse populaire, ce sentiment extraordinaire de sortir de la noirceur des années de guerre était comme s’immerger dans une parenthèse enchantée.

A 96 ans, d’une étonnante vivacité, sa douce humanité, son élégance intellectuelle sont intacts, ses réminiscences sont précises et alertes. Pionnière du féminisme, cette spécialiste du mouvement ouvrier a créé en 1968, avec une collègue, le premier département universitaire consacré à l’histoire des femmes, sortant enfin leurs vies, leurs destins, de l’invisibilité. Chercheuse exigeante et engagée, elle est ainsi l’une des grandes pionnières du féminisme, de tous ses combats jusqu’aux plus actuels. Elle n’est jamais entrée dans le jeu supposé des querelles des « anciennes contre les nouvelles » qui ne seraient plus de « vraies » féministes, voyant toujours clair dans ce que sont les causes légitimes, prenant fait et cause pour #MeToo ou les revendications de liberté de genre, d’orientation sexuelle.

Pendant l’été de la Libération, Michelle Perrot avait 16 ans. Jeune femme studieuse, lisant beaucoup, elle réfléchissait à la façon dont elle pourrait s’engager dans le monde. Lycéenne de la petite bourgeoisie parisienne, elle écoute alors de Gaulle et les cloches de Notre-Dame à la radio depuis Montmorency, une ville de banlieue encore occupée par les Allemands, regrettant de ne pouvoir vivre elle aussi ces moments extraordinaires dans ce Paris populaire qu’elle aime. C’est dans ce maelström, observant comment les uns et les autres vivent, subissent, que son regard s’est formé. Elle prend conscience du poids des inégalités sociales, du sort fait aux femmes, éternelles accusées et premières victimes de représailles et s’ouvre aux combats qui seront les siens. En acceptant d’évoquer cette époque ancienne, elle donne l’occasion de nous souvenir que, oui, le pire peut survenir, mais qu’il n’est jamais certain et moins encore éternel. Que le vent peut toujours tourner.

Véronique Radier

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