Twitter : au fait, c’est grave cette histoire de bots ?
«
C'est certainement l'acquisition la plus bizarre à laquelle j'aie jamais assisté »,
s'amuse Nicholas Thompson, le PDG de The Atlantic. «
C'est un agent du chaos »,
renchérit le New York Times, faisant référence aux récents revirements de l'homme le plus riche du monde, Elon Musk. Ces derniers jours, le milliardaire fantasque a ainsi annoncé que le rachat de Twitter, qui devait être
« le deal du siècle », à 44 milliards de dollars, était suspendu. Jusqu'à nouvel ordre.
La raison de cette volte-face ? La présence trop nombreuse, selon lui, de bots Twitter – «
des programmes qui publient des messages sur Twitter en fonction d'instructions codées (écrites par des humains) »,
selon la définition d'Axios. Si pour le réseau à l'oiseau bleu, les faux comptes représentent moins de 5 % de son nombre d'utilisateurs actifs, pour Musk, ils sont beaucoup plus nombreux.
Le PDG de Twitter, Parag Agrawal, a ainsi publié une longue explication sur la manière dont l'entreprise est parvenue à cette estimation. Elon Musk a simplement répondu par un émoji « caca ».
Pour l'entrepreneur, ces bots nuisent aux revenus publicitaires. Avec un nombre incertain de bots gérant des comptes Twitter, «
comment les annonceurs peuvent-ils savoir ce qu'ils obtiennent pour leur argent ? », s'est interrogé le milliardaire dans un tweet. «
C'est fondamental pour la santé financière de Twitter. » Mais qu'en pensent réellement les annonceurs ? Excuse bidon ou inquiétude fondée ?
« Pas aussi grave (...) que ne le laisse entendre Elon Musk » D'après le Wall Street Journal, le problème des bots Twitter «
n'est pas aussi grave pour le secteur de la publicité que ne le laisse entendre Elon Musk ». «
Je ne pense pas que la proportion (de bots) soit plus élevée ou plus grande sur Twitter que sur beaucoup d'autres plateformes », a ainsi déclaré Stefanie Smith, responsable des médias sociaux et vice-présidente exécutive chez Dentsu Media US, une filiale du géant de la publicité Dentsu Group Inc.
«
La question de savoir comment mesurer et justifier correctement les dépenses publicitaires sur les médias sociaux n'est pas nouvelle ou caractéristique de Twitter, constate Abe Blackburn, directeur des solutions techniques chez The Social Element Inc., une agence de marketing.
Elle concerne toutes les plateformes, et je n'ai personnellement jamais vu un client restreindre ses dépenses en raison d'une mauvaise utilisation potentielle des robots. »
Les spécialistes du marketing qui s'appuient sur le nombre d'impressions publicitaires comme mesure du succès pourraient en effet en pâtir, selon Abe Blackburn, qui nuance : «
Mais c'est une question de stratégie. Les annonceurs devraient chercher à approfondir l'engagement avec les humains plutôt que d'étendre la portée de leur message. »
Par ailleurs, les services marketing disposent de moyens nécessaires pour évaluer les performances des publicités Twitter, malgré la présence de faux comptes. Des services d'outils tiers de détection et de vérification des fraudes peuvent ainsi être utilisés pour discerner la fraude dans les campagnes sociales payantes. DoubleVerify Inc., une société de mesure et de vérification des publicités, s'est ainsi associée à Twitter en 2020 pour aider les responsables marketing à évaluer la portée des campagnes sur la plateforme.
Les bots, une excuse brandie face à « un achat compulsif » trop cher ?
D'après Axios, le combat de Musk contre les robots «
n'est qu'une excuse pour faire sauter son accord avec Twitter, au milieu d'une déroute boursière qui a rendu les conditions initiales beaucoup moins intéressantes pour lui » – les entreprises de la tech sont en effet touchées par un krach boursier, entraînant une chute de la valeur de l'action.
Pour The Economist, «
l'homme le plus riche du monde » est tout simplement en train de «
marchander pour un rabais ». Le va-et-vient de Musk avec l'entreprise est largement considéré comme un moyen pour lui de négocier le prix de l'offre.
«
Twitter pourrait réunir les 229 millions de ses utilisateurs actifs quotidiens monétisables dans une pièce et leur faire dire "Bonjour Elon, nous sommes réels" que cela ne lui conviendrait pas. Car il ne veut pas être convaincu. Il veut payer un prix plus bas »,
affirme Matt Levine, de Bloomberg. L'issue la plus probable serait donc que l'accord se fasse à un prix inférieur, «
récompensant Musk pour sa mauvaise foi »...
Et Axios de conclure : «
Notre analyse : les robots sont simples – ce sont les gens qui sont complexes. »