Enquête littéraire
Suivant son intuition qui lui intime de ne surtout pas répondre à l’injonction péremptoire et un rien provocatrice servant de titre à ce roman baptisé Laissez-moi tranquille, déniché par hasard, et dont il est instantanément et éperdument tombé amoureux, Nicolas Perge se met en tête de collecter toutes les informations sur sa mystérieuse auteure, Lise Deharme, à la plume romanesque qui laisse s’exprimer les plus dangereuses et flamboyantes passions. Son nom, aujourd’hui presque inconnu, surgit pourtant partout dans les biographies des autres… ces autres qui ont éclairé le XXème siècle d’un jour nouveau, créateurs de tous bords, des surréalistes à Jean Cocteau, en passant par Paul Eluard et Antonin Artaud. Ces autres qui sont souvent, trop souvent des hommes. Ses recherches ont offert à Nicolas Perge la preuve de la place qu’ont occupée les femmes dans ces mouvements artistiques et culturels. Loin de n’être que des corps adulés pour leur beauté éthérée, elles étaient des têtes pensantes et des mains créatrices, à l’image de Lise Deharme qui est partout… littéralement. Aux archives départementales des Landes où elle avait une propriété, à l’Université du Texas à Austin qui conserve sa correspondance, sur les murs et dans les vitrines de collectionneurs du monde entier qui chérissent ses portraits et ses écrits, partout se laisse deviner une personnalité fascinante et une créatrice féconde. Elle écrivit plus d’une vingtaine de romans, des centaines d’articles, et même des chansons de cabaret et des pièces radiophoniques ou d’opérette. Les grands esprits de l’époque la cite tantôt comme modèle, tantôt comme mécène, toujours comme muse. Plus ses recherches avancent, plus Nicolas Perge se prend d’amour pour cette femme centrale reléguée à la marge, qui ne semble évoluer qu’à l’ombre de ceux pour qui elle fut pourtant si longtemps source de lumière et qu’il se donne pour mission de sortir de l’obscurité. Mais en chemin, notre auteur-Orphée va se rendre compte que ce n’est pas la frêle et innocente Eurydice qu’il a face à lui, mais la royale et effrayante Perséphone. Reine de la Terre et des Ténèbres, Lise Deharme se délecte sans modération d’un univers où cohabitent le Bien et le Mal, et « où pulse une énergie sauvage lustrée de parfums ».