À ELLE, en conférence de rédaction, nous avons parfois des débats qu’on n’entendrait pas forcément, mettons, aux séminaires du Collège de France. Et c’est dommage, parce que tout en nous marrant bien, nous apportons notre petite pierre à la sociologie contemporaine. Longtemps, nous avons ainsi soutenu que « le » cheveu (comme dirait mon coiffeur, que j’embrasse) est politique. Plus il est clair, plus il est coiffé, plus il est de droite (cf V. Pécresse ou ML. Le pen, exemples au hasard). Plus il est foncé, mousseux, décontracté (N. Artaud ou A. Hidalgo, toujours au hasard), plus il exprime une rébellion contre le système, pour résumer à l’extrême un état des lieux vaste et complexe (entendu quelqu’un dire un jour « le chouchou est de droite, la pince crocodile de gauche »).
Bref, cette grille de lecture, plaisante car simple, est en train d’être totalement remise en question. Est-ce un effet du post covid ? Tous ces mois à ressembler à des brosses à dents ? Les cheveux « de droite » sont de retour. Aux derniers défilés, mes consoeurs de la mode m’ont dit que c’était flagrant : que du lisse, du brillant, du brushé, du crêpé ! Confirmation avec la chanteuse Adèle, qui semble avoir gagné en hauteur sous le casque ce qu’elle perdu en volume corporel. Comme elle, aujourd’hui les femmes ont envie de « gros » cheveux, tout en majesté... mais disciplinés. J’ai déjà eu l’occasion de vous parler du retour du bigoudi (cette phrase, en me relisant ! mais quel beau métier que le mien !) et bien, il rentre pile dans cette tendance « ne venez pas comme vous êtes -passez d’abord deux heures à vous coiffer. »
Si, à titre personnel, cette évolution sociologique m’enchante (en adepte du même brushing lisse depuis 1990, je vais enfin être à la mode !) je me doute qu’elle ne va pas être évidente à suivre pour tout le monde, le scandale de l’inégalité devant le frisottis n’ayant toujours pas été éradiqué (en tant que mère de trois jeunes hyper frisés, j’ai vu de quel combat on parle). Alors, si la perspective de passer les trois prochains mois sous Babyliss heurte vos convictions les plus intimes, voici de quoi vous donner du cœur à l’ouvrage. Mardi dernier, à la conférence de rédaction, on est tombées d’accord : on peut parfaitement rester de gauche en ayant des cheveux de droite. Joyeux week-end pascal (et que le chocolat pleuve sur toutes les sensibilités capillaires, évidemment !)
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