YouTube : prison dorée ?
Amour, haine : les YouTubeurs nourrissent une relation ambivalente avec la plateforme de Google.
Selon une enquête de The Vox, datée du 10 mai, de prestigieux YouTubeurs ne cessent de quitter la plateforme, puis reviennent. Soit le schéma typique d'une relation toxique.
Un « chaos » adoréAinsi, le 4 mai dernier, le YouTubeur Dan Howell a expliqué les raisons de son come-back sur la plateforme à ses 6 millions de followers... après trois ans d'absence.
Dans cette vidéo vue plus de 2 millions de fois, il retrace d'abord sa crise existentielle, son burn-out, ses difficultés avec un algorithme et un public un peu trop gourmands. Victime d'un «
complete breakdown », le vidéaste est sans cesse tiraillé entre la nécessité de produire des contenus à la chaîne, peu inspirants mais rémunérateurs, et l'envie de se sentir fier du travail accompli. Soit le dilemme de toute une génération.
Il évoque également ses difficultés à se régénérer face à un public sans cesse en demande, ses expériences malheureuses avec l'équipe YouTube. YouTube Originals aurait annulé sans préavis son projet – déjà bien avancé – de comedy show. Des difficultés qui visiblement ne l'ont pas empêché de revenir dans ce «
si beau chaos », selon sa propre définition. «
J'adore ce putain de trou. Y faire une carrière créative y est réellement possible. Contrairement à d'autres plateformes, YouTube paie correctement », se justifie-t-il, apparemment reboosté.
Selon Vox, cet état résulte de ce qu'il appelle le «
cerveau YouTube », qui conduit «
à des situations bien étranges » : «
Comparez-la au "cerveau Twitter", qui fait qu'en passant trop de temps sur Twitter, une personne devient argumentative et perpétuellement outrée, ou au "cerveau Instagram" (obsédé par l'image et excessivement matérialiste) », image le média. «
Le cerveau YouTube, du point de vue du YouTubeur et non du téléspectateur, est ce qui se passe lorsque vous êtes soumis aux caprices de la capacité d'attention des autres pendant des années, alourdi par une demande sans fin de plus de contenu pour un rendement décroissant. »
Une relation délicate entre stars du net et fansSi le rapport des YouTubeurs avec la plateforme connaît des remous, la relation peut se révéler également fragile avec la communauté de «
fans ». Dernièrement, Vice pointait du doigt, dans un article titré
« Désolé, vos streameuses préférées ne sont pas vos amies », les risques des «
relations parasociales » – c'est-à-dire «
l'impression d'être pote avec des influenceurs ». Cette impression de fausse proximité peut avoir des effets délétères, avec des intrusions dans la vie privée et des cas de harcèlement. «
Lorsqu'on se lance sur Internet, on est trop naïfs, on fait confiance à tout le monde », se remémore le YouTubeur Léo Grasset. «
Personnellement, j'essaie de limiter au maximum le fait de parler de ma vie privée ou d'entretenir ces relations qui certes me sont utiles dans mon travail mais ne sont pas toujours très saines. Au fond, je pense qu'on a une responsabilité morale vis-à-vis de nos communautés », observe le créateur de la chaîne Dirty Biology.
Le YouTubeur Cyrus North avait d'ailleurs sorti une vidéo appelée
« Je ne suis pas ton ami » le 24 février 2021. Le but ? Remettre les points sur les i avec sa communauté qu'il appelle dorénavant «
les parapotes ». Dans un sondage Instagram, 44 % de ses abonnés avaient répondu le considérer comme un ami.
Les groupes d'entraide entre YouTubeurs Pour faire face à toutes ces problématiques, qui peuvent énormément fragiliser, le mieux reste de se rassembler. De créer un discours public qui rompt cet isolement. Les entrepreneurs et YoutuBeurs Colin Rosenblum et Samir Chaudry ont ainsi décidé de lancer un talk-show pour guider les créateurs à travers «
les hauts et les bas d'une industrie en évolution rapide ». Soit une forme de thérapie filmée.
«
Nous voulions créer une émission qui donne un sentiment de communauté de créateurs, un endroit pour comprendre ce que signifie faire carrière sur YouTube, un endroit pour se sentir moins seul »,
explique Chaudry au média RollingStone. À l'image d'un groupe de parole, ce talk-show entre YouTubeurs semble être une bouffée d'air frais pour les créateurs de contenus, prêts à (re)plonger dans la matrice.