L’hydrogène : entre fausses promesses et vraies opportunités Par Etienne Henri De NewTech Insider Europe & Zéro Carbone Millionnaire [A l’heure où la France et l’Europe comptent investir plus de 550 Mds€ pour favoriser l’utilisation d’hydrogène, une étude tire à boulets rouges sur la filière. En matière de décarbonation, remplacer le gaz naturel par du H2 serait inutile. Si certains y voient déjà la preuve que l’hydrogène-énergie est voué à l’échec, les industriels – le gazier Linde en tête –, savent que c’est loin d’être le cas…]
Début février, l’Alliance nationale de la coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE) a publié un rapport qui met à mal la communication gouvernementale au sujet du rôle que pourrait prendre l’hydrogène dans la transition énergétique. En effet, outre son utilisation une fois liquéfié comme carburant, énergéticiens et gouvernements vantent souvent sa capacité à remplacer le gaz naturel dans les réseaux existants. Un usage qui ouvrirait la voie à une décarbonation totale de toutes les activités dans lesquelles le gaz naturel est actuellement utilisé. Alors que le monde fait face à une hausse sans précédent du prix du gaz, et que l’Europe s’inquiète pour son approvisionnement du fait de tensions géopolitiques croissantes avec la Russie, "l’hydrogène-flamme" semble une solution toute trouvée. Or, dans son étude, l’ANCRE démontre – chiffres à l’appui – que se contenter d’injecter de l’hydrogène dans les réseaux gaziers est un jeu de dupes au mieux inutile, au pire néfaste voire dangereux. A l’heure où la France et l’Europe comptent investir plus de 550 Mds€ pour favoriser l’utilisation d’hydrogène, cette étude jette un pavé dans la mare. Certains y voient déjà la preuve que l’hydrogène-énergie est une impasse. Les industriels, en revanche, sont pleinement conscients de ses limites. Loin des superlatifs et des solutions simplistes mises en avant par les gouvernements, ils travaillent déjà à des manières économiquement et énergétiquement intéressantes d’utiliser le H2. L’opération vérité de l’ANCRE au sujet de l’hydrogène
L’étude publiée par l’ANCRE est problématique car elle vient en opposition avec la stratégie choisie par l’Europe. Celle qui pousse à utiliser l’hydrogène le plus possible, y compris pour remplacer le gaz naturel responsable d’environ un cinquième des émissions de CO2 du Vieux Continent. Or, selon l’Alliance, cette substitution sera quasiment inutile. La situation dans laquelle l’hydrogène remplace idéalement le gaz naturel est celle où il est utilisé pour produire une flamme. Qu’il s’agisse de chauffage urbain, de génération d’électricité ou même d’alimenter des tables de cuisson dans nos foyers, remplacer le méthane (CH4) par du dihydrogène (H2) permet d’obtenir une combustion qui ne produit aucun gaz à effet de serre. Le vrai problème mis en exergue par l’ANCRE réside dans la quantité d’hydrogène qu’il est possible d’injecter efficacement. Les réseaux et équipements existants tolèrent, sans modification majeure ni perte de performance, jusqu’à 10 % d’hydrogène à la place du gaz naturel. Or, à cette dose, l’impact sur les émissions de CO2 est négligeable. Même en montant la concentration à 20 %, la réduction des émissions de gaz à effet de serre n’atteindrait que -7 %. Selon l’ANCRE, il faudrait atteindre 80 % d’hydrogène dans le mélange pour obtenir une réduction des deux-tiers des émissions. Ce ratio 80/20 reste inaccessible sans poser de sérieux problèmes en termes d’étanchéité des réservoirs, de dangereux retours de flamme, de corrosion des parois et même d’émissions d’oxydes d’azote très polluants du fait de la température de la flamme – un comble pour une énergie réputée propre. Linde veut retirer l’hydrogène de ses réseaux Il y a donc fort à parier qu’en pratique, les opérateurs de réseaux gaziers ne proposeront pas à leurs clients finaux un mélange de gaz contenant plus de 10 % d’hydrogène. Est-ce un plafond de verre pour cette énergie ? C'est ce que je vous propose de voir dans la suite de cet article...
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