« Le coût d'une reconversion serait bien trop élevé. N'oublions pas que nous avons des milliers de mosquées à travers le monde. » En 2019, le président turc Recep Tayyip Erdogan rejetait fermement les demandes de militants islamistes qui lui réclamaient de « rendre » Sainte-Sophie au culte musulman. « Vous n’êtes pas capable de remplir la Mosquée bleue juste à côté mais vous réclamez de pouvoir remplir Sainte-Sophie. Ne soyons pas trompés par ces ruses », argumentait-il. Pragmatique, Erdogan, arrivé au pouvoir en 2003, avait toujours refusé de toucher au statut de Sainte-Sophie, estimant qu'il avait plus à y perdre qu'à y gagner. En 2006, par exemple, il avait fait la sourde oreille aux manifestations islamistes et ultranationalistes organisées contre la visite du pape Benoît XVI dans l'ancienne basilique chrétienne. Ce dernier avait pu s'y recueillir. Erdogan se voulait alors le garant de l'ancrage occidental de la Turquie.
Dans sa jeunesse, le « Reis », islamiste virulent et cadre stambouliote de l'Union des étudiants turcs et musulmans, militait pourtant pour la réislamisation de Sainte-Sophie. Édifiée au VIe siècle par l'empereur byzantin Justinien, puis transformée en mosquée pendant cinq siècles après sa conversion par le sultan ottoman Mehmed II, conquérant de Constantinople le 29 mai 1453, Sainte-Sophie avait été désacralisée en 1934. Le fondateur de la République turque, Mustafa Kemal « Atatürk », l'avait alors transformée en musée pour (...)