Le Conseil fédéral est redescendu sur terre. Mercredi, il a présenté le «Swiss Government Cloud». Un terme un peu barbare qui, tout simplement, désigne l’infrastructure informatique de l’administration. Toute l’économie passe au cloud, confiant son destin numérique à des serveurs situés un peu partout, mais pas forcément en Suisse. Le collège gouvernemental souhaite logiquement profiter lui aussi de la puissance et de la sécurité offertes par l' infonuagique comme disent les Québécois. Mais il y a un bug: les seuls acteurs à offrir les dernières technologies en la matière sont américains ou chinois. C’est là que le Conseil fédéral a revu sa stratégie. A l’origine, son projet d’infrastructure reposait entièrement sur les serveurs d’Amazon, IBM et autres Alibaba. De nombreux acteurs locaux avaient alors hurlé à l’abandon de souveraineté, arguant que nos données ne seraient plus sous notre contrôle. Désormais, des nuages accrochés au ciel suisse sont également au programme. L’affaire est-elle pour autant réglée? Si seulement c’était si simple. Pour le comprendre, je vous recommande l’interview de Philippe Cudré-Mauroux. Le stockage des données ne fait pas tout, explique-t-il. La capacité à les utiliser, en particulier pour développer les outils d’intelligence artificielle (IA), compte tout autant. Or en la matière, Américains et Chinois ont une telle avance qu’il paraît impossible de les rattraper, suis-je tenté de dire. Continuons avec l’IA. Cette semaine, avez-vous été comme moi été impressionné par les résultats financiers de Nvidia? Près de 15 milliards de dollars de bénéfice en trois mois seulement (sept fois plus qu’il y a un an), une capitalisation supérieure à celle de la Bourse allemande… Le tout grâce à l’intelligence artificielle, qui ne peut se passer des puces produites par le groupe californien, leader du marché. Son ascension paraît irrésistible alors que son CEO Jensen Huang n’annonce aucun fléchissement de la demande, bien au contraire. A-t-on affaire à une bulle? Plutôt une nouvelle révolution industrielle, qui mêle le physique (la production en masse de ces semi-conducteurs) et le virtuel; car la force de Nvidia, à en croire les spécialistes, est de proposer également le logiciel qui permet d’exploiter ses puces. La Suisse a-t-elle complètement manqué ce mouvement? La lecture de ces articles sur Comet et EM Microlectronic vous convaincra sans doute du contraire. Et pour conclure, parlons d’une personnalité bien humaine qui n’a pas la tête dans les nuages mais les pieds toujours bien sur terre. Cette semaine, Klaus Schwab a fait savoir qu’il renoncera à son poste de «président exécutif» et deviendra «président du conseil de fondation» du Forum économique mondial (WEF) d’ici janvier prochain. A 86 ans, le fondateur du WEF ne part donc pas vraiment, mais il continue de préparer son organisation à lui survivre. Impossible d’ailleurs de remplacer celui qui incarne ce puissant réseau que le grand-public résume trop souvent à la célèbre réunion de Davos. Le WEF emploie quelque 800 personnes, affiche un budget de plus de 400 millions de francs, et organise quantité de rencontres de très haut niveau tout au long de l’année, sur presque tous les continents. C’est d’ailleurs peut-être son principal défi: maintenir ces occasions de dialogue, malgré les tensions croissantes entre les grandes puissances. |