[Il a débuté le 3 mai à Oakland. C’est un procès très attendu. Il oppose d’un côté le géant technologique Apple et, de l’autre, Epic Games, le créateur du phénomène Fortnite – l’un des jeux vidéo les plus populaires de ces dernières années. Son issue sera déterminante : il est fort possible qu’elle redessine radicalement les contours actuels de l’économie numérique...] Le procès intenté par Epic Games à Apple bat son plein aux Etats-Unis. Pour commencer, enfonçons d’emblée une porte ouverte car elle va nous permettre de poser le contexte. S’il y a procès, c’est qu’il y a d’abord conflit... C’est une évidence, mais ce qui va sans le dire va encore mieux en le disant. Bref, entre nos deux protagonistes, tout commence l’été dernier quand Epic Games commence à enfreindre les règles d’Applesur ses propres terres… Conséquence immédiate : la marque à la pomme décide d’exclure Fornite de son App Store en représailles. Pour Epic Games, l’App Store d’Apple est en situation de monopole... Le groupe est donc entré en campagne contre le mastodonte. L’objectif de ce procès n’est pas de percevoir d’énormes indemnités. Non. Epic Games souhaite plutôt réécrire les règles de l’économie numérique qu’Apple a largement contribué à rédiger. Et, si le groupe réussit, il pourrait bouleverser l’économie des applications – qui pèse 100 Mds$ – en ouvrant une nouvelle voie pour les créateurs, et en desserrant l’emprise qu’Apple exerce sur cette poche d’activité. Apple : ma maison, mes règles...
On voit facilement pourquoi Apple peut se retrouver sous le feu des critiques avec sa politique. En effet, Apple exige que toutes les applications de tiers soient téléchargées à partir de son App Store. Ensuite, le géant prélève une commission de 30 % sur tous les achats... qu’il s’agisse d’un achat initial (téléchargement de l’application) ou d’achats "in-app" (à l’intérieur d’une application elle-même), lesquels sont de plus en plus répandus. C’est bien connu, Fortnite est une application "freemium" (en libre accès), ce qui veut dire qu’elle est téléchargeable gratuitement. Epic Games gagne de l’argent lorsque les joueurs achètent différents articles pour leurs personnages dans le jeu. Alors, pour contourner cette "taxe Apple", Epic Games a décidé de proposer à ses utilisateurs d’acheter les articles directement auprès de lui, et même à un prix réduit. Cette violation du contrat, je l’ai dit plus haut, a donc valu à Fortnite de se faire exclure de l’App Store… et Epic Games a donc démarré cette bataille juridique. L’un des principaux arguments soulevés par l’éditeur est que Steve Jobs lui-même avait déclaré qu’Apple n’avait pas l’intention de gagner de l’argent sur l’App Store, mais souhaitait plutôt utiliser cette plateforme de marché numérique pour "apporter un plus" à ses téléphones. Finalement, les jeux gratuits ont fini par vendre des niveaux supplémentaires moyennant la perception de frais... et Apple n’a pas voulu passer à côté de cette manne, laquelle aurait généré 64 Mds$ de chiffre d’affaires, en 2020. Alors même si les développeurs apportent un plus aux iPhone avec leurs jeux et applications, ils sont pris au piège de l’écosystème numérique d’Apple. La marque à la pomme leur ponctionne une part considérable de ce qu’ils gagnent, alors que – comme le souligne Epic Games – elle n’a même pas besoin de le faire en réalité. Dans ce procès, la "charge de la preuve" incombera à Epic Games, une dure bataille en soi. Mais de grands acteurs du secteur sont de son côté… Eux aussi souhaitent mettre fin au racket orchestré par Apple… |